En mai 2009, j’ai commencé en tant qu’agente de police de 4e classe. Comme recrue, on remarque vite les défis de travailler comme policier dans une division occupée. J’ai remarqué qu’il y avait beaucoup de sous-entendus sexuels. Mais j’étais occupée, jeune et j’avais tellement à apprendre que je n’avais pas vraiment le temps de penser à ces choses-là. J’ai appris à les mettre de côté.

J’ai déjà porté plainte auprès de mes supérieurs et de mes collègues après avoir vu le traitement réservé à nos collègues, en particulier le harcèlement sexuel et la violence raciale, qui faisaient partie de notre quotidien. Mais les forces policières sont un environnement dominé par les hommes et très toxique. Par exemple, des prospectus de personnes disparues étaient affichés dans le commissariat, et certains policiers y griffonnaient des commentaires racistes, ou à côté de photos de suspects. La salle de mise en détention est l’endroit où l’on emmène les prisonniers que l’on garde pour la nuit ou là où l’on prend les empreintes digitales des gens, et il y avait des magazines pornographiques qui traînaient.  

Au fil des ans, le harcèlement sexuel a été très constant. Puis, j’ai été agressée sexuellement en 2014 par l’un des détectives que je respectais et en qui j’avais confiance. Il traversait une période très difficile avec son boss, alors je l’ai invité chez moi après le travail pour prendre un café afin de discuter des problèmes auxquels nous étions confrontés. Alors que je versais le café, je me suis retournée pour poser la tasse et c’est à ce moment-là qu’il m’a attrapée, m’a serrée et a enfoncé sa langue dans ma gorge. Cette expérience a vraiment changé ma façon de voir mes collègues et les hommes en général.

Une autre fois en 2014, je rentrais chez moi en voiture après mon quart de travail. Un de mes collègues m’a vue, puis il m’a appelée et m’a demandé de le ramener chez lui parce qu’il était ivre. J’ai accepté et je suis passée le prendre, lui et un autre collègue avec qui il était sorti. Je suis restée sur leur balcon pendant quelques minutes, à discuter de travail et de voyage. L’autre collègue m’a alors demandé si je voulais coucher avec lui. J’ai dit non. Il a ensuite dit: « C’est quoi le problème? T’aimes pas les blancs? » Je me suis levée pour m’en aller. Il a commencé à marcher à côté de moi, puis m’a devancée et a bloqué la sortie. Il a dit: « Si tu ne nous baises pas tous les deux ce soir, je vais dire à tout le monde au travail que tu nous as baisés. » Je me suis retournée pour regarder l’autre agent avec incrédulité, espérant qu’il me protégerait. Il a ri, puis il a dit: « Montre-nous tes boules, d’abord. » J’ai pensé à un million de choses durant cette fraction de seconde. Je l’ai contourné et je suis sortie rapidement de l’appartement.

Alors que je partais à bord de ma voiture, le premier collègue m’a appelée pour essayer de me faire revenir. L’homme qui avait fait le commentaire sur les hommes blancs plus tôt me parlait comme s’il avait prévu tout ce qui allait se passer cette nuit-là—il avait menti sur le fait qu’il avait bu afin que je me rende chez eux pour qu’ils puissent m’agresser sexuellement.

En 2018, le même agent a envoyé un message au groupe de discussion en posant des questions sur mon vagin. Il a comparé mon vagin à celui d’une femme noire: « Est-ce que son vagin est Brillo-y comme celui d’une fille noire? »

Une autre fois, un détective m’a demandé si j’étais une « muzzie ». Je lui ai dit que je ne savais pas ce que ça voulait dire. Il dit: « muzzie, une musulmane. » Tout le monde s’est mis à rire. Les gens disent: « Je vais t’appeler Muzzie à partir de maintenant. » J’ai juste fait demi-tour et je suis partie parce que je me suis dit « si j’explose maintenant et que je dis quelque chose, c’est moi qui vais me faire harceler ».

En 2018, je commençais vraiment à me sentir atteinte mentalement, physiquement. J’ai réalisé que je ne pouvais pas être dans cet environnement. Toutes les choses que j’avais rapportées étaient toujours tombées dans l’oreille d’un sourd et les choses n’avaient fait qu’empirer.

J’ai vu comment cette atmosphère atteint psychologiquement et physiquement les femmes/victimes à long terme, comment elle les empêche de progresser et de devenir de meilleures agentes parce que tu es constamment dans la peur, constamment en train de te battre. C’était comme ça, pas seulement pour moi, mais pour mes collègues féminines et pour d’autres agents racialisés.

Je me bats maintenant publiquement. Prendre la parole m’a coûté très cher—ma carrière et ma sécurité personnelle ont été compromises. J’ai connu de grosses répercussions en parlant ouvertement, mais je ne voyais pas d’autre moyen de lutter contre cette institution, de faire changer les choses.

Mon intention était de faire comprendre à ces gens qui pensent que les services de police sont sécuritaires pour les femmes que ce n’est pas le cas. Pourtant, il y a eu des choses formidables qui sont sorties de tout ça parce que ça m’a amenée à un point où j’ai construit une communauté de gens et où je retire une sorte d’espoir de tout ça, mais c’est difficile.