J’étais une nouvelle employée—je n’occupais mon poste que depuis quelques mois. Il était là depuis environ 12 ou 15 ans, donc il n’était pas mon superviseur immédiat. Mais il était un employé bien établi au sein de l’organisme qui n’était pas près de partir.

Nous avions une conversation normale—vous savez quand, disons, vous êtes allés en vacances et que vous montrez à votre collègue une photo cool de votre voyage ou quelque chose comme ça. Il m’a dit: « Jette un coup d’œil à cette photo. » J’ai regardé et vu une photo de lui nu, et la manière dont il me l’a montrée était complètement naturelle. Un peu comme si c’était normal de montrer une photo comme ça à une collègue, comme si c’était une photo de son chien ou quelque chose du genre. C’était très surréaliste.

Toutefois, je n’ai rien fait à propos de ça. J’étais un peu sous le choc, et j’ai fait semblant de rien. Je suis retournée à mon travail et je me suis juste mise à l’éviter après ça— nous n’étions plus vraiment amis. Au début, on ne réalise même pas que c’est du harcèlement sexuel avant d’y réfléchir. Sur le coup, je m’étais juste dit: « Voyons, pourquoi tu me montres ça? »

J’étais la seule employée autochtone dans un organisme entièrement constitué de personnes blanches, ce qui ne rendait pas le dépôt de plaintes facile. J’avais l’impression que, si je parlais, je serais la seule personne qui serait punie pour avoir causé des problèmes. Il aurait peut-être reçu une petite tape sur les doigts, ou les ressources humaines lui auraient peut-être dit « ne fais pas ça » avant de l’envoyer suivre une formation sur le harcèlement sexuel. Mais, en fin de compte, il ne lui serait rien arrivé, et j’aurais perdu mon emploi.

Je me suis toujours méfiée des gens en tant que femme autochtone ayant grandi au Canada. C’est une leçon qu’on apprend très jeune. Cette expérience a changé mon attitude au travail. Je n’étais plus aussi extravertie et amicale. Je suis devenue beaucoup plus silencieuse, je me suis isolée davantage, et je ne me donnais plus la peine de parler aux autres afin de m’assurer que cette situation ne se répète plus. C’était très regrettable. J’appréciais beaucoup cette personne—j’avais rencontré sa femme et tout.

Je présume qu’il y a eu d’autres occasions dans sa vie où il a fait ça à une femme sans réaliser à quel point c’était horrible, ou qu’il croyait que les femmes étaient tout simplement à l’aise avec ça. Mais je ne pense pas que j’étais la première personne à qui il a fait ça. Je n’ai probablement pas été la dernière.

Ça s’est produit il y a tellement longtemps que je m’en suis comme remise. Mais je travaille maintenant dans le domaine de la télévision. C’est toujours une industrie dominée par les hommes, et cet événement a eu un impact sur la façon dont je traite les hommes lorsque je travaille avec eux pour la première fois. Ça te rend plus prudente. Ça te rend un peu plus craintive lorsque tu rencontres de nouveaux collègues. Mais, d’un autre côté, ça te rend un peu plus futée, et tu deviens un peu plus consciente de la façon dont les choses peuvent se passer.