Après avoir été harcelé sexuellement, vous pourriez être traumatisé. Voici quelques points à garder à l’esprit:

  • Toute expérience de harcèlement sexuel peut être traumatisante.
  • Au début, il peut être difficile de dire si le traumatisme vous affecte, et comment il vous affecte.
  • Deux personnes peuvent avoir la même expérience, et l’une peut être traumatisée, alors que l’autre, non.
  • Vivre quelque chose de traumatisant ne signifie pas nécessairement que vous développerez un trouble de stress post-traumatique (TSPT).
  • Si vous avez vécu beaucoup de traumatismes au fil des années, il est possible de développer un TSPT complexe.

Lorsqu’on parle de traumatisme, il y a un concept très utile qui s’appelle la fenêtre de tolérance.

Fenêtre de Tolérance, Sophie C

L’idée est que nous avons tous un niveau (ou une fenêtre) de stress que nous pouvons tolérer. Chaque jour, vous vivrez des hauts et des bas en ce qui concerne votre niveau de vigilance. Ce qui se trouve à l’intérieur ou à l’extérieur de votre fenêtre est propre à vous et peut changer au fil du temps.

Au cours d’une journée typique, nous vivons différents événements stressants. Vous êtes peut-être arrivé en retard au travail, ou vous avez eu une dispute avec un membre de votre famille ou quelqu’un vous a presque frappé avec sa voiture dans un stationnement. Chaque événement stressant peut temporairement vous amener à un point plus élevé dans votre fenêtre. Si ces événements se produisent en succession rapide et qu’il n’y a pas assez de temps pour vous calmer entre eux, vous vous retrouverez probablement près de la limite de votre fenêtre, ou peut-être même à l’extérieur de celle-ci.  

Certaines personnes sont presque toujours près de la limite de leur fenêtre de tolérance. Cela peut arriver si votre vie est très stressante. Vous pourriez être stressé au sujet de l’argent, des problèmes de santé, des conflits familiaux, des difficultés au travail ou d’autres défis. Ça peut également se produire si vous êtes régulièrement victime de discrimination, par exemple si vous êtes une personne autochtone, une personne racialisée ou une personne 2SLGBTQIA+.

Lorsque vous êtes harcelé, vous pouvez être poussé hors de votre fenêtre. C’est surtout probable si le harcèlement était vraiment grave ou si vous étiez déjà près de la limite de votre fenêtre de tolérance. Nous sortons de notre fenêtre de tolérance chaque fois qu’il y a un danger réel ou perçu. Le harcèlement sexuel est une menace pour votre bien-être, alors votre esprit et votre corps se mettent en mode survie pour essayer de vous protéger.

Cela entraîne habituellement l’une des quatre réactions suivantes: lutter, fuir, figer ou amadouer.

Lutter, fuir, figer et amadouer

Quelqu’un vous harcèle sexuellement. Vous lui criez d’arrêter ou de vous laisser tranquille. Vous le frappez ou vous le poussez physiquement loin de vous. Ou vous vous retenez peut-être de le frapper, même si votre corps veut vraiment le blesser. Vous allez directement voir votre boss pour vous plaindre. Ces réactions appartiennent toutes à la catégorie « lutter ».

Quelqu’un vous harcèle sexuellement. Vous voulez immédiatement quitter la pièce. Vous vous enfuyez rapidement ou vous quittez même votre lieu de travail. Vous pourriez éviter d’aller au travail ou même quitter votre emploi sur-le-champ. Vous vous sauvez ou vous voulez désespérément vous éloigner de tout danger. Ces réactions sont toutes une façon pour vous de fuir.

Quelqu’un vous harcèle sexuellement. Vous figez sur place. Vous ne pouvez plus bouger. Vous ne dites rien ou vous ne faites rien. Votre cœur bat la chamade. Si vous étiez une voiture, ce serait comme si l’on pesait sur votre accélérateur et votre frein en même temps sans que vous ne puissiez aller nulle part. C’est ce qu’on appelle figer.

Quelqu’un vous harcèle sexuellement. Vous souriez ou vous riez. Vous essayez de désamorcer la situation. Vous essayez de ne pas faire quoi que ce soit qui pourrait fâcher le harceleur. Vous essayez de le charmer. Si quelqu’un vous voyait, il pourrait mal interpréter la situation et penser que vous êtes à l’aise, ou même que vous aimez ça. C’est amadouer.

Parce que chacune de ces réactions se produit lorsque vous êtes en dehors de votre fenêtre de tolérance, aucune d’entre elles ne relève complètement de votre contrôle. Ce sont des réactions automatiques qui visent exclusivement à assurer votre sécurité et votre survie. Elles ne sont pas toujours logiques. Elles sont souvent déroutantes, car ce n’est probablement pas la façon dont vous agiriez si vous étiez calme et aviez le temps de réfléchir à la situation.

Pourquoi avez-vous réagi comme vous l’avez fait?

Votre réponse est probablement basée sur un mélange de ce qui était disponible comme option sur le moment, de ce que vous avez rapidement évalué comme étant la meilleure réaction compte tenu des circonstances, et de ce qui vous a aidé dans le passé lorsque vous vous êtes senti en danger.

Peut-être que votre réaction était tout à fait logique, et que vous pensiez avoir bien géré les choses.

Mais le plus souvent, ce n’est pas ce que les gens pensent. La plupart des gens qui ont été harcelés sexuellement se sentent totalement confus par rapport à leur réaction.

Peut-être que vous vous voyez comme quelqu’un de résilient, ou de déterminé, ou d’intelligent, ou de courageux, et pourtant, quand vous avez été harcelé, vous avez agi d’une manière totalement différente. Peut-être que vous craignez maintenant de ne pas être la personne que vous pensiez être.

Si c’est votre cas, sachez que la façon dont vous réagissez à une menace ne reflète en rien votre caractère, vos valeurs ou qui vous êtes en tant que personne. Ce n’est tout simplement pas le cas.

  • Si vous avez lutté, cela ne veut pas dire que vous êtes impulsif ou insouciant.
  • Si vous avez fui, cela ne veut pas dire que vous êtes lâche.
  • Si vous avez figé, ça ne fait pas de vous quelqu’un de passif.
  • Si vous avez tenté d’amadouer le harceleur, ça ne fait pas de vous un complice.

Parfois, les gens finissent par regretter la façon dont ils ont réagi parce que leur réaction a vraiment gâché les choses pour eux. Par exemple, vous avez peut-être été congédié parce que vous avez explosé ou crié, ou vous avez peut-être quitté spontanément un emploi dont vous aviez vraiment besoin. Ou vous souhaiteriez avoir été capable de vous défendre et vous vous demandez pourquoi vous n’avez rien fait à ce moment-là.

Parfois, les gens ont l’impression d’avoir réagi de façon excessive. C’est très commun parce que, encore une fois, ce n’est pas un choix conscient où vous êtes en total contrôle de vos actions.

Lorsque vous sortez de la fenêtre de ce que vous pouvez tolérer, vous ne pouvez plus penser à vos objectifs à court ou à long terme. Vous ne vous concentrez que sur votre objectif immédiat de survivre à la situation dangereuse dans laquelle vous vous trouvez. À ce moment-là, votre cerveau a évalué rapidement ses options et a décidé de réagir de la façon qu’il estimait être la meilleure pour vous protéger et minimiser les dégâts.

La menace de recours à la violence sexuelle est, en soi, un événement traumatisant. Si ç’a provoqué une réaction d’urgence, c’est logique.

Comment le traumatisme pourrait vous affecter

Voici quelques signes communs de traumatisme que vous pourriez ressentir après le harcèlement sexuel. Cette liste n’est pas exhaustive, mais elle peut être un bon point de départ pour comprendre ce que vous vivez.

Pensées ou humeurs négatives: Se sentir mal à propos de soi-même, déprimé, en colère, isolé, honteux ou effrayé.

Hypervigilance: Se sentir nerveux ou être facilement effrayé. Vous pourriez ressentir le besoin de toujours être à l’affût du danger. Vous remarquerez peut-être que vos muscles sont tendus, que vous avez le cœur qui palpite ou que vous avez d’autres signes physiques qui montrent que vous êtes prêt à passer à l’action à tout moment.

Autres symptômes physiques: Comme des douleurs corporelles, une tension artérielle plus élevée, des maux de tête, des nausées ou des troubles respiratoires.

Flashbacks ou cauchemars: Lorsque les souvenirs de l’événement réapparaissent dans votre esprit ou que vous avez l’impression de les revivre.

Rumination: Lorsque vous ne pouvez pas cesser de penser à ce qui s’est passé ou que vous continuez de vous demander pourquoi vous n’avez pas réagi différemment.

Fuite: Éviter de penser à l’événement traumatisant ou éviter certains endroits, certaines personnes ou certaines situations. Il peut aussi s’agir de fuir le toucher ou toute intimité physique ou sexuelle.

Fatigue ou difficulté à dormir: Difficulté à s’endormir ou à rester endormi, ou besoin de dormir beaucoup plus que d’habitude.

Chacun de ces symptômes est normal lorsque nous pensons à ce que votre corps ressent et à la façon dont il essaie de vous aider à rester en sécurité. Même si votre esprit sait que vous n’êtes plus dans une situation d’urgence, votre corps peut mettre beaucoup plus de temps à s’en rendre compte. Bon nombre de ces symptômes sont nécessaires si vous devez être prêt à « passer à l’action ».

Ce qui aide

Essayez de comprendre que votre réaction initiale ne dit rien de vous en tant que personne. Si vous regrettez ce que vous avez fait ou que vous vous jugez vous-même, essayez de vous rappeler que nos réactions automatiques de lutter, de fuir, de figer et d’amadouer ne sont pas des choix conscients. Au lieu d’être fâché contre vous-même au sujet de la façon dont vous « auriez dû réagir », essayez de vous pardonner.

Accordez la priorité à votre propre sécurité. Si nous passons beaucoup de temps en dehors de notre fenêtre de tolérance, la fenêtre peut commencer à rétrécir. Avec une fenêtre plus petite, les expériences que vous pouviez tolérer auparavant peuvent maintenant être en dehors de votre fenêtre de tolérance. Si vous êtes facilement surpris ou provoqué, c’est peut-être parce que votre fenêtre a temporairement rétréci. Votre fenêtre peut s’agrandir avec le temps, à condition que vous puissiez demeurer à l’intérieur. Ce n’est pas toujours sous votre contrôle, mais il peut être utile d’envisager des façons d’être et de vous sentir plus en sécurité.

Si l’événement menaçant est terminé et que vous sentez que vous pouvez maintenant penser plus facilement, ça pourrait aider de réfléchir à la façon dont vous voudriez gérer le harcèlement si vous étiez harcelé de nouveau. Réfléchissez à la façon dont vous pourriez vouloir réagir à différents scénarios de harcèlement. Envisagez de vous exercer avec un ami.

Exercez-vous à respirer calmement. Il existe de nombreuses façons de le faire, notamment en ralentissant votre respiration ou en utilisant une technique appelée « box breathing » ou respiration carrée. C’est une technique où vous devez imaginer un carré. Vous pouvez décider de la couleur, de la taille ou de la texture du carré. Imaginez-le devant vous et laissez votre regard se déplacer lentement le long du haut, du côté, du bas et de l’autre côté du carré. Pour chaque côté, comptez jusqu’à quatre pendant que vous inspirez lentement, faites une pause, expirez et faites une pause.

Box breathing relaxation technique: how to calm feelings of stress or anxiety, Sunnybrook Hospital

Apprenez des stratégies d’ancrage qui fonctionnent pour vous. Il existe de nombreuses stratégies d’ancrage différentes qui peuvent vous aider. Souvent, elles se classent dans trois catégories: l’ancrage mental, l’ancrage physique et l’ancrage apaisant. Voici une liste de stratégies communes qui peuvent vous aider. Vous n’avez pas besoin de toutes les apprendre, mais essayez-en quelques-unes pour voir lesquelles vous semblent utiles et apaisantes.

Pratiquez la relaxation musculaire progressive. C’est une technique très utile que vous pouvez pratiquer régulièrement. C’est une façon de relaxer intentionnellement les différentes parties de votre corps. Plus précisément, si vous êtes physiquement tendu, cela vous permet de serrer délibérément chaque section de votre corps, de la tenir, puis de relaxer ces sections. Beaucoup de gens trouvent cela utile au début ou à la fin de la journée. Cette vidéo montre comment faire.

Mindful Breathing: Progressive Muscle Relaxation, American Lung Association

Apprenez-en plus sur l’établissement de limites saines. Le harcèlement sexuel est une violation de vos limites. Souvent, les gens trouvent que ces expériences font en sorte qu’il est plus difficile d’avoir des limites personnelles claires dans différents domaines de leur vie. Lire des livres comme celui-ci ou s’abonner à des comptes Instagram comme celui-ci peut vous aider à en apprendre davantage sur les limites saines et malsaines. 

Prenez votre temps. Il est important, lorsque vous parlez du traumatisme, de prendre les choses un jour à la fois et de continuer à vérifier comment vous vous sentez. Même en lisant cet article ou d’autres documents sur ce site Web, prenez le temps de noter certaines émotions ou sensations physiques et de prendre autant de pauses que vous en avez besoin.

Pratiquez l’autocompassion. Il y a un excellent site Web de la Dre Kristin Neff qui contient beaucoup de ressources autoguidées différentes sur l’autocompassion. Souvent, il peut être difficile d’en voir les bienfaits au départ, alors essayez quelques exercices avant de décider s’ils vous conviennent.

Vous pourriez avoir de la difficulté à vous remettre du traumatisme que vous avez vécu. Cela peut se produire si le harcèlement était vraiment grave, ou si le traumatisme lié à celui-ci s’ajoute à beaucoup de traumatismes antérieurs non résolus, par exemple si vous avez eu une enfance difficile ou que vous avez vécu beaucoup d’adversité à l’âge adulte.

Pensez à lire des livres sur les traumatismes, comme The Body Keeps the Score de Bessel van de Kolk.

Si vous êtes préoccupé par le niveau de traumatisme que vous avez vécu et que vous vous sentez dépassé, envisagez d’essayer un groupe de soutien ou une thérapie individuelle. Nous savons qu’il peut être difficile de trouver de l’aide professionnelle. Songez à appeler une ligne d’urgence où vous pouvez parler à un conseiller formé. Ou composez le 211, un service qui pourrait vous aider à obtenir du soutien professionnel. Ou jetez un coup d’œil à notre Roulette de ressources, où vous trouverez des liens vers des livres, des jeux-questionnaires, des balados et d’autres formes de médias qui pourraient vous aider.

Essayez de comprendre

N’oubliez pas que si vous avez subi un traumatisme, ce n’est pas votre faute. Vous n’avez rien fait de mal. Mais le traumatisme vous a laissé une responsabilité envers vous-même—la responsabilité de reconnaître comment le traumatisme vous a affecté. De comprendre vos déclencheurs. De parler à des personnes dans votre vie qui vous soutiennent et d’obtenir l’aide dont vous avez besoin. De trouver des façons de composer avec la situation. Ce sont des choses que vous vous devez à vous-même. Vous en valez la peine et vous le méritez.