J’avais 16 ans et je travaillais pour la cantine d’un terrain de golf la première fois que j’ai été harcelée sexuellement. Je n’avais aucune idée de ce que je devais faire quand les clients me dévisageaient, alors je les ignorais. Un jour, un groupe d’hommes bien connus, dont quelques animateurs de radio, est entré entre deux trous. Un concours avait été organisé par la station de radio, le prix allant à quiconque aurait deviné correctement le poids combiné des animateurs. J’écoutais cette émission depuis que j’étais petite alors j’ai pris mon courage à deux mains et j’ai demandé: « Hé, combien pesez-vous? » Ils se sont regardés et l’un d’eux a répondu: « Eh bien, je peux me coucher sur toi et tu pourras avoir une meilleure idée. » Ils ont tous ri. J’avais honte et j’étais embarrassée. J’avais beau être naïve, j’ai quand même compris ce qu’il voulait dire. 

Ensuite, j’ai été serveuse dans une pizzéria avec un bar. Certains gérants étaient horribles, mais j’en avais un qui était gentil. Il avait de jeunes enfants à la maison et je me sentais en sécurité avec lui. Chaque fois que j’avais besoin de modifier une commande ou d’aide avec l’imprimante, c’est à lui que je demandais. Mais un soir, je comptais les caisses et nous étions seuls dans le bureau, les portes fermées. Il s’est tourné vers moi et a dit: « Je veux juste plonger mon visage dans tes seins. » Après, il disait souvent le mot « seins » quand nous étions seuls. J’avais 18 ans.

J’ai obtenu un emploi dans une chaîne de restaurants décontractés de qualité supérieure tout en faisant un diplôme en études féministes. J’apprenais à l’université au sujet de ce qui se passait et ce que tout ce que je vivais signifiait. Mais chaque fois que je me rendais au travail, je devais enlever ce chapeau parce que si j’avais incarné la colère, la frustration et la force que j’aurais dû avoir, je n’aurais pas eu de quarts de travail. J’ai dû être complice. Les samedis soirs, les hommes se mettaient les mains dans mon tablier et me tripotaient. « Que fais-tu plus tard? »  « As-tu un copain? » « Où est-ce que je peux te rejoindre? » Les hommes se sentaient en droit de me dire toutes sortes de choses alors qu’ils mettaient leurs numéros de téléphone dans mes poches. Le fait de voir que ça arrivait tout le temps aux femmes autour de moi était un rappel que c’est juste comme ça que ça se passe. J’ai entendu des gérants dire des choses comme: « Nous venons de recevoir un fax du siège social. Ils ont dit de mettre notre fille la plus sexy à la porte comme hôtesse. » Bien sûr, démissionner était une option, mais la capacité de le faire dépendait du loyer ou d’un soutien financier extérieur. J’ai enduré. Après avoir obtenu mon diplôme — et en vieillissant — j’ai commencé à dénoncer les choses. Je me suis fait mettre à la porte pour l’avoir fait. 

Plus tard, j’ai occupé des postes de gestion où j’espérais aider à arrêter le harcèlement et les agressions dont d’autres étaient victimes, et j’ai été gérante dans une brasserie locale. Mais il était difficile d’avoir une influence sur ce qui se passait parce que certaines des femmes se trouvaient dans des situations précaires. Leur salaire dépendait de leurs clients, et je devais en tenir compte. D’autres gérants couchaient avec des employées mineures. Je vis avec la culpabilité d’avoir été incapable d’arrêter ça. Tout au long de ma carrière, mes gérants m’ont encouragée à boire de l’alcool au travail, et j’ai utilisé l’alcool pour rendre les relations avec les clients et les gérants plus supportables. Il a fallu beaucoup de temps pour réparer les dégâts.

Je porte encore le poids de tout ça. Ce type de fardeau affecte le genre de personne que tu es et qui tu penses pouvoir devenir. À un moment donné, j’ai arrêté de parler de harcèlement sexuel parce que les gens ne veulent pas entendre des histoires fâchantes, et je ne voulais pas être la femme qui était toujours fâchée. Je ne veux pas que mes filles vivent ce genre de choses. Je leur ai appris à être fortes. J’espère que c’est assez.