Voici les 21 choses les plus importantes que nous avons apprises.

1. Le harcèlement sexuel au travail est extrêmement courant.

C’est difficile de savoir exactement combien de personnes vivent du harcèlement sexuel au travail, parce que c’est tellement stigmatisé que les gens en parlent peu. Et parfois, les gens ne nomment pas ce qu’ils ont vécu comme étant du harcèlement sexuel, même si ça correspond à la définition légale.

Cela dit, la plupart des sondages et études montrent qu’environ une personne sur quatre ou sur trois déclare avoir été harcelée sexuellement au travail. On estime qu’environ 70 % des femmes et 15 % des hommes ont déjà été victimes de harcèlement sexuel en milieu de travail. Et pour les personnes visiblement queers, c’est probablement près de 100 %.

2. Les personnes harcelées minimisent souvent ce qu’elles vivent ou décident que « ce n’est pas si grave ».

Souvent, les gens passent par une période où ils ne savent pas si ce qu’ils vivent est vraiment du harcèlement sexuel.

On pense que c’est parce que dans les médias, le harcèlement est souvent montré comme une seule forme bien voyante : un patron qui touche ou fait des avances à une subordonnée. Du coup, les gens ne reconnaissent pas forcément tout de suite ce qu’ils vivent comme étant du harcèlement sexuel.

Dans la vraie vie, le harcèlement basé sur l’hostilité est plus courant que celui basé sur le désir. Le harcèlement verbal est plus courant que les attouchements. Et le harcèlement vient plus souvent des collègues ou des clients que des patrons.

3. La plupart des personnes harcelées sexuellement ne se décrivent pas ainsi.

On a demandé aux personnes harcelées si le mot « survivante » ou « survivant » s’appliquait à elles. Plus de 60 % ont répondu non.

On pense que c’est parce que soit ces personnes n’ont pas vu le harcèlement comme un événement marquant dans leur vie, soit elles ne veulent pas que ça définisse leur identité, même si ça les a beaucoup affectées.

4. À qui on en parle quand on a été harcelé? À presque personne.

Dans nos sondages, 90 % des personnes harcelées n’en ont parlé qu’à deux personnes ou moins, et la moitié n’en a parlé à personne. Personne n’en a parlé à plus de 10 personnes. Les personnes à qui on en parle le plus souvent sont un.e ami.e proche, un.e partenaire, ou un.e collègue.

5. Quand on en parle, la réaction des autres fait souvent plus de mal que de bien.

Quand une personne raconte qu’elle a été harcelée, on lui répond souvent qu’elle exagère, qu’elle a mal compris, voire qu’elle invente.

Si elle en parle au travail, on la traite souvent de chialeuse et elle est punie d’avoir porté plainte. Si elle en parle dans sa vie personnelle, on peut lui mettre de la pression pour qu’elle dénonce, ou qu’elle quitte son emploi.

6. Quand on est harcelé, on se sent honteux et on se blâme soi-même.

Presque toutes les personnes harcelées vivent une période où elles se sentent perdues, coupables, honteuses, et où elles doutent de ce qui s’est passé. Ça peut durer des mois, voire des années. Même des gens qui disent « le savoir mieux » passent par là.

Et c’est mauvais, parce qu’en plus d’être difficile, si la personne avait compris ce qui se passait sur le moment, elle aurait peut-être agi autrement.

7. Les personnes harcelées veulent que leur expérience soit validée.

Quand une personne se fait harceler, elle veut qu’on lui confirme que oui, c’est du harcèlement, que c’est injuste, et que ce n’est pas de sa faute.

Certaines veulent savoir si ce qu’elles ont vécu correspond à la définition légale de harcèlement, mais la plupart veulent surtout savoir si les autres trouvent aussi que ce n’était pas correct.

8. La plupart des gens ne se sentent pas capables de gérer la situation.

Quand ils sont harcelés, les gens vivent une période où tout leur semble flou, déroutant ou accablant.

Ils ne savent pas comment réagir, et ont peur de gérer ça d’une façon qui empire les choses. Seulement 27 % des gens qu’on a interrogés ont dit qu’ils se sentaient confiants dans leur capacité à gérer la situation.

9. Les gens cherchent de l’info et du soutien en ligne.

La plupart des gens qu’on a interrogés ont cherché de l’information ou des conseils sur Internet.

En fait, c’est ce que les gens font le plus souvent. Plus de gens sont allés en ligne que de gens qui ont confronté le harceleur, qui en ont parlé à leur patron, à des ami.e.s ou à des collègues, qui ont appelé une ligne d’aide, assisté à un groupe de soutien, ou consulté un.e avocat.e.

10. En ligne, les gens cherchent de la validation, de l’information et des témoignages.

Les gens veulent savoir si ce qu’ils vivent est vraiment du harcèlement ou s’ils exagèrent. Ils veulent savoir comment faire pour que ça arrête. Ils veulent savoir comment d’autres ont vécu du harcèlement, comment ils ont réagi, s’ils ont des regrets. Ils cherchent aussi de l’aide pour comprendre ce qu’ils ressentent, et pour aller mieux.

11. Les gens veulent savoir comment les autres s’en sont sortis.

Ils veulent connaître les choix que d’autres ont faits face au harcèlement (surtout des gens dans des situations semblables) et savoir ce qui s’est passé ensuite. Ça les aide à se sentir moins seuls, et ça leur permet d’apprendre de ces expériences.

12. La plupart des gens ne portent pas plainte.

La grande majorité des personnes harcelées ne le signalent pas à leur employeur. D’après nos sondages, environ une personne sur cinq le fait. La raison la plus courante? Elles trouvent que ce n’est pas assez grave. Ensuite, elles pensent que ça ne servira à rien ou qu’elles vont être punies.

13. Les gens ont peur d’être punis s’ils signalent.

Ils ont raison. Les recherches (les nôtres et celles des universitaires) montrent qu’il est très courant que les gens qui signalent un harcèlement au travail soient punis. Certaines personnes se font congédier, rétrograder ou couper des heures. Mais plus souvent, elles deviennent juste mal vues, même par leur patron. Elles sont perçues comme des faiseuses de trouble, et ça nuit à leurs chances d’avancement, à leurs relations sociales, et à leur environnement de travail en général.

14. Les gens sentent qu’on leur met de la pression pour ne pas signaler.

Souvent, on leur demande de compatir avec le harceleur (« Il a une famille, il ne peut pas perdre sa job »). Ou on leur fait sentir que signaler, c’est du temps perdu et que ça va détruire la vie de quelqu’un. Et souvent, ça marche : les gens changent d’idée et ne signalent pas.

15. Les gens sentent aussi qu’on les pousse à signaler.

Beaucoup de gens nous ont dit qu’ils sentaient de la pression à « se lever », à « être courageux », et à « proteger les autres » en portant plainte. Cette pression venait de « la société », du féminisme, ou d’autres femmes. Mais ce n’est pas parce qu’ils ressentaient cette pression qu’ils signalaient. Ils se sentaient juste coupables de ne pas le faire.

16. Ceux qui ne signalent pas se sentent jugés.

La plupart veulent simplement limiter les dégâts : ne pas se faire congédier, agresser ou ruiner leur carrière. Quand ils choisissent de ne pas signaler, ils se sentent jugés comme lâches, égoïstes ou complices. On leur fait sentir qu’ils sont de mauvais féministes qui laissent tomber les autres femmes.

17. Peu de gens ont quelqu’un en qui ils ont confiance pour les conseiller.

Quand ils vivent du harcèlement, la plupart des gens n’ont personne en qui ils ont vraiment confiance pour les aider à prendre des décisions. Leurs proches leur donnent souvent des conseils qui semblent naïs ou peu réalistes, comme crier après le harceleur ou en parler tout de suite au patron. Ils ne font pas confiance aux RH non plus.

18. La plupart essaient juste de survivre sans signaler.

Le scénario le plus courant? Les gens restent à leur emploi, ne confrontent pas le harceleur, gardent profil bas, et essaient de faire avec.

  • Plus de 50 % pensent à quitter leur emploi, et 15 % finissent par le faire.
  • Une personne sur quatre parle à son employeur de façon informelle.
  • Une sur cinq fait un signalement officiel.
  • 21 % confrontent le harceleur directement.
  • 8 % consultent un.e avocat.e.
  • 7 % en parlent publiquement.
  • Une personne sur 20 prend d’autres mesures : parler au syndicat, appeler la police, ou porter plainte à la Commission des droits de la personne ou au ministère du Travail.

19. Le harcèlement sexuel nuit à la santé mentale.

Il est très courant que les personnes harcelées vivent de la dépression, de l’anxiété ou d’autres effets négatifs. Elles se sentent trahies. On a tous décidé, comme société, que le harcèlement sexuel n’est pas acceptable. Mais quand on demande de l’aide, on se fait souvent gaslighter ou ignorer. Cette trahison blesse, et nuit à la santé mentale.

20. Le harcèlement sexuel nuit à la carrière.

Que la personne signale ou non, sa carrière en souffre. Sans signaler, elle doit parfois prendre des décisions professionnelles en fonction de sa sécurité : quitter un emploi, éviter un collègue, arrêter les sorties professionnelles. Et le harcèlement nuit aussi à la santé mentale, ce qui affecte le travail.

Si elle signale, elle risque les commérages, d’être mise à l’écart, et de se faire punir : moins d’opportunités, des tâches moins valorisantes, etc.

21. Le harcèlement sexuel a un coût financier.

Parfois, le harcelement a un effet financier direct et brutal : se faire congédier. Parfois, c’est plus subtil mais bien réel. Une étude a montré que les gens qui quittent un emploi à cause du harcèlement gagnent moins dans le suivant. Parce qu’ils doivent se trouver un emploi vite, ils prennent ce qu’ils trouvent.

Les chercheurs estiment que l’impact financier du harcèlement sexuel est comparable à celui d’une maladie grave, d’un accident, ou même d’